Sortir de l'histoire officielle

    


Delphine Horvilleur

Mots, idées, concepts, personnalités repérés : ange, ascendance, parole

Vivre avec nos morts

Il n'y a pas de Ajar

Page 13 Le dibbouk un ange « Depuis plus de quarante ans, Gary est mort. « Il a disparu », « il est parti », « il nous a quittés » ... Vous pouvez utiliser n'importe quelle expression idiote pour me le dire, mais vous ne me le ferez pas complètement croire. Car, pour moi comme pour d'autres, il est devenu un dibbouk,au sens où la tradition juive I'entend.
Le dibbouk, c'est un revenant qui vous colle a la peau ou à l’esprit, un être dont I'âme s'est attachée à la vôtre pour une raison mystérieuse, et qui ne vous lâche plus. Il s'accroche et ne vous quitte pas. Il ne vous veut ni du mal, ni du bien. Il vous accompagne simplement et hante votre existence, pour la parasiter ou I'agrandir, I'encombrer ou la soutenir. »
31 Ascendance « Nous sommes pour toujours les enfants de nos parents, des mondes qu'ils ont construits et des univers détruits qu'ils ont pleurés, des deuils ont eu à faire et des espoirs qu'ils ont dans les noms qu'ils nous ont donnés.
Mais nous sommes aussi, et pour toujours, les enfants des livres que nous avons lus, les fils et filles des textes qui nous ont construits de leurs mots et de leurs silences.  »
50-51 Parole « J'ai un bon ami, pas du tout circoncis, ce shmok. Eh bien, il lui est arrivé une drôle d'histoire :
Jusqu'à l'âge de douze ans, il n'a pas dit une seule phrase, pas énoncé la moindre syllabe. Il était muet, comme une carpe. Ses parents, extrêmement inquiets, ont tout essayé pour le faire parler mais rien à faire : pas un mot ne sortait de sa bouche. Et puis un soir, à table, au moment où personne ne s'y attend, il se tourne soudain vers son père et il lui dit : Passe-moi le sel !
Alors là, tu imagines la stupéfaction familiale. Sa mère explose en sanglots et le couvre de baisers. Le père, bouleversé, lui dit :
Mon fils, tu sais parler ? Pourquoi as-tu attendu toutes ces années ? Pourquoi n'as-tu rien dit jusqu'à ce soir ?
Et là, le fils répond, très calmement : Ben, jusqu'ici, tout allait bien ! »

Vivre avec nos morts
Approches d'une juive pratiquante
Éditions Grasset et Livre de poche. Pagination livre de poche
Page 27-28 Son point de vue sur la laïcité « La laïcité française n'oppose pas la foi à l'incroyance. Elle ne sépare pas ceux qui croient que Dieu veille, et ceux qui croient aussi ferme qu'il est mort ou inventé. Elle n'a rien à voir avec cela. Elle n'est fondée ni sur la conviction que le ciel est vide ni sur celle qu'il est habité, mais sur la défense d'une terre jamais pleine, la conscience qu'il y reste toujours une place pour une croyance qui n'est pas la nôtre. La laïcité dit que l'espace de nos vies n'est jamais saturé de convictions, et elle garantit toujours une place laissée vide de certitudes. Elle empêche une foi ou une appartenance de saturer tout l'espace. En cela, à sa manière. la laïcité est une transcendance. Elle affirme qu'il existe toujours en elle un territoire plus grand que ma croyance, qui peut accueillir celle d’un autre venu y respirer. »
87-88 Le kaddish prière dite des morts dans une langue plus utilisée « Le kaddish n'est pas la prière des morts, contrairement à ce que pensent certains. C'est une liturgie qui ne parle ni de disparition ni de deuil, mais qui glorifie Dieu, chante ses louanges et énumère sous la forme d 'une longue litanie tous les aspects de Sa grandeur. ... »Il est élevé, et haut, et digne de louanges. . . »
On y entend comme un mantra de sonorités très répétitives, des mots murmurés dans une langue qui n'est pas de l'hébreu, mais de l'araméen. Selon la légende, les anges, messagers du divin, ont le pouvoir d'intercepter toutes nos prières pour les porter vers les sphères célestes. Ils seraient capables de comprendre tout ce que l'humanité formule, dans toutes les langues et les patois qui couvrent la Terre, à l'exception d'un seul : l'araméen. Allez savoir pourquoi, cette langue-là, ils ne la maîtrisent pas. Si notre prière araméenne ne peut être interceptée, c'est qu'elle peut donc parvenir directement au Créateur. Cette petite histoire, parmi tant d'autres, contribue à donner au kaddish un statut à part, celui d'une prière presque magique.
...
Il est aussi une autre explication, plus prosaïque, à l'araméen de cette prière. À l'époque des rabbins du Talmud, cette langue était comprise de tous ou presque, et il fallait que la prière des endeuillés soit à la portée de chacun, qu'elle constitue une liturgie participative et démocratique, les mots du deuil que personne ne pourrait confisquer.
Le judaïsme ne connaît aucun clergé, et tout ce qu'un rabbin accomplit peut en principe être réalisé et énoncé par n'importe qui d'autre. Le rabbin n'est qu'une personne dont la communauté reconnaît l'érudition et qu'elle se choisit comme guide, mais en aucune manière, il ou elle n'est un intermédiaire entre Dieu et les hommes.
N'importe qui doit pouvoir réciter le kaddish. »
176-177 Doutes de Gershom Scholem, retranscrits dans "L'ange de l'histoire" de Stéphane Mosès, concernant la renaissance de l'hébreu qui pourrait réveiller «...la puissance religieuse de ce langage [qui pourrait] se retourner violemment contre ceux qui le parlent ? Et le jour où cette explosion se produira, quelle sera la génération qui en subira les effets ?»

Haut de page   Page en amont

Des visites régulières de ces pages mais peu de commentaires.
Y avez-vous trouvé ou proposez-vous de l'information, des idées de lectures, de recherches ... ?
Y avez-vous trouvé des erreurs historiques, des fautes d'orthographes, d'accords ... ?
Ce site n'est pas un blog, vous ne pouvez pas laisser de commentaires alors envoyez un mail par cette adresse robertsamuli@orange.fr
Au plaisir de vous lire.